Article paru dans l'édition du
Samedi 8 Janvier 2011
Strasbourg
Conseil-des-Quinze / Ateliers d'écriture

Le Roman de la Marne en gestation

LE CONSEIL DE QUARTIER DU CONSEIL-DES-QUINZE ET L'ASSOCIATION « LES MOTS ARTS » ONT INVITÉ LES HABITANTS À PARTICIPER À DES ATELIERS D'ÉCRITURE. LE RÉSULTAT : LE ROMAN DE LA MARNE QUI SE FINIT.





« L'idée était de faire un roman polyphonique », annonce Enrique Uribe Carreno, professeur d'espagnol et d'histoire à l'Université, qui s'était enthousiasmé pour cette idée lancée en octobre 2009, lors de la Semaine de la démocratie locale. L'idée de départ : l'écriture d'un roman collectif avec des habitants. L'objectif : tisser du lien social par l'intermédiaire d'une action artistique. Un exercice difficile.« Le problème de notre société, c'est qu'il y a de plus en plus d'intermédiaires techniques et de moins en moins de vraie communication. Pour tisser du lien, il faut faire quelque chose de local afin de donner du sens à la vie quotidienne », estime cet universitaire qui a œuvré avec David Gondar de l'association « Les Mots Arts ». Autres souhaits : conserver la mémoire du quartier, mieux connaître ses voisins et leur mode de vie. Le projet démarre dans un immeuble, rue de l'Yser : « Après plusieurs tentatives, nous avons arrêté. Les gens étaient méfiants. » L'horizon géographique est étendu à toute la rue de l'Yser et au quartier des Quinze. Les dix ateliers d'écriture réunissent un noyau d'une dizaine de personnes, complété par d'autres habitants au fil des quatre lieux de rencontre : la salle polyvalente Bon-Pasteur, deux maisons de retraite et le local du Conseil de quartier des Quinze, soit au total quelque 120 participants. Le déclic à l'écriture : un texte de Gabriel Garcia Marquez, adapté par David Gondar, avec l'histoire d'un corps qui tombe dans le vide du haut d'un immeuble du dixième étage. Au fur et à mesure de sa chute, son regard découvre chaque étage et une parcelle de l'existence des voisins : « Dans sa chute, il aura enfin vu la vie. » Pour Enrique Uribe Carreno, la rédaction de cet ouvrage, « c'était l'aventure pour certaines personnes. L'écriture n'est pas donnée à tout le monde. C'est un exercice difficile, mais où chacun peut donner ce qu'il a de mieux ».
Propos corroborés par Elisabeth Koonja du CoQ qui témoigne de son expérience : « Nous avons été guidés, encouragés, bousculés par les animateurs des Mots Arts. Nous avons appris à regarder notre quartier avec un regard neuf. Nous avons pris plaisir à nous retrouver chaque mois pour construire notre oeuvre commune et manier la langue française. Nous avons apprécié ces moments d'amitié, ce mélange de cultures et de générations. » Et d'ajouter : « Nous avons écrit avec nos émotions ; notre vision est partiale et sélective. »
Les textes racontent Strasbourg, imaginent le parcours d'une Lisele, les avatars de l'histoire locale, la pensée du boulevard, la tournée de Jean-Georges avec son bus 15 A, le voisin 1, le suicide de Mme Dupont... Les nouveaux habitants découvriront notamment l'histoire du Bon Pasteur qui a disparu lors des opérations immobilières du secteur.
L'important, c'est la démarche
Et les pages de s'empiler avec les récits d'une vingtaine d'écrivains en herbe, entre 30 et 90 ans : « A présent, il s'agit de corriger les textes pour assurer une cohérence, avec un spécialiste qui sait faire cette cuisine », ajoute Enrique Uribe Carreno qui travaille aussi à un livre de micro-fiction, des petites histoires d'une absurdité apparente. Le Roman de la Marne sera publié à 300 exemplaires au printemps prochain.
Ce chef d'orchestre de l'écriture a d'autres pistes pour continuer l'aventure. Il songe à la lecture commune d'un roman pour avoir le ressenti diversifié de ceux qui l'auront découvert, à un appel à tous les auteurs amateurs qui écrivent dans leur coin : « Il faut être ambitieux pour donner une dimension politique à quelque chose d'anodin. » Son sentiment : « L'important, c'est la démarche. Le résultat est secondaire.

D.E. WIRTZ-HABERMEYER

La dernière rencontre pour ce roman aura lieu le vendredi 21 janvier à 18 h au local du Conseil de quartier, 8 promenade du Luxembourg à Strasbourg. L'occasion d'évoquer les projets pour l'année.

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